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26 April 2014

Parmi les immortels

Extrait de Le Candidat, Jean Cau, 2007, Éditions Xenia, Vevey.

L'Académie, Arcadie d'amitié. Parole de Secrétaire perpétuel. Je comprenais qu'il la prononcât puisque, comme Monsieur Mitterrand est "le président de tous les Français" (sauf moi), le Secrétaire perpétuel se veut celui de tous les académiciens. Il se trompe (mais son rôle et sa bonne foi se confondent peut-être) et l'Académie ne serait pas chose humaine si quarante messieurs, à moins d'y être complètement ramollis par de cotonneuses indulgences, n'y contredisaient la vision rousseauiste que chante son Perpétuel. Elle est humaine, l'Académie. On s'y déteste, on s'y jalouse, on s'y guette, on y intrigue, on y ment, c'est humain et ça n'empêche pas de se serrer la main. La nature humaine étant sans surprises et l'éthologie m'ayant donné quelques lumières sur le comportement des hardes, hordes, groupes, troupeaux, clans et tribus, aucune pâleur n'envahissait mon visage lorsque j'entendais: "X est un con, Y un vieux gâteux, Z un fouteur de merde, V un intrigant fébrile, Q un menteur, B un opportuniste, T un caractériel, S un pauvre type, R une girouette, L un traître né," etc. Au mieux, tel ou tel était qualifié de "gentil", "brave type" ou "pas méchant". Quand j'y allais d'un élan: "Mais F... qu'en pensez-vous? Il me semble que...", une badine soufflante me coupai l'éloge au ras des lèvres: "F...? Méfiez-vous! Alors, lui, on peut dire que c'est une planche pourrie!" Comme F déclarait que celui qui me prévenait de sa qualité de planche vermoulue en était lui-même une autre, je marchais avec précaution, comme sur autant d'œufs, sur trente-sept têtes électrices. (pp. 47-48)

21 April 2014

Pappus and the dodecahedron

Euclid's monumental treatise The Elements culminates in the proof that there are exactly five regular polyhedra. In fact, it has been asserted that this theorem was the very purpose of the work. (There's a philosophical side to it—the four elements of nature and the universe, no less.) It is relatively simple to prove that there can be none other than these five, but to construct them is tricky for the icosahedron and, even more so, for the dodecahedron. In the fourth century AD, the great Greek geometer Pappus (who lives on in modern theorems called Pappus-Pascal and Pappus-Guldin) found a simpler construction than Euclid's. He used four parallel circles on the sphere, each one through five vertices of the dodecahedron. Here is the accompanying figure, as given by Thomas Heath in The thirteen books of Euclid's Elements, Vol. III, 1908.


The three pages containing Pappus's proof as given by Heath are here or here. Heinrich Dörrie, 100 Great Problems of Elementary Mathematics (Dover, 1965) used spherical trigonometry to simplify Pappus's solution (relevant pages here or here). There was room for further improvement though, and here (also here) we present a proof requiring nothing beyond two applications of the spherical rule of cosines. It's an exercise in spherical trigonometry quite comparable to the well known elementary problem to determine the spherical distance between two places on earth. (To make the text self-contained, we included some stuff on the golden ratio.) This is our figure, adapted from Dörrie.




14 April 2014

Céline sur son antisémitisme

Extrait de Entretien avec Albert Zbinden (Céline, Romans, II, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1974, pp. 939-940). L'interview (à écouter ici) date de 1957.

Zbinden: Vous êtes pacifiste...

Céline: Ah, je suis pacifiste total. D'autant plus que je suis médaillé militaire depuis le mois d'octobre 1914, pas d'hier, je suis mutilé de guerre 80%, je le sens n'est-ce pas, encore actuellement, et par conséquent j'ai tout à fait le droit d'être pacifiste. Je me suis engagé dans le Seconde Guerre même comme médecin d'un bateau; j'ai été coulé au large de Gibraltar; je connais bien les petits à-côtés de la guerre. Je n'aime pas. Je ne l'aime pas. Je trouve ça imbécile et tout à fait défavorable à une société quelconque. Alors j'ai dit—j'ai trouvé—je me suis imaginé les causes de la guerre, que j'ai attribuées à certaines sections... Philippe le Bel devait tous ses malheurs aux Templiers... les jansénistes ont été poursuivis pendant quatre ou cinq siècles. L'histoire du Port-Royal n'est pas tout à fait terminée, on en parle encore. Les Jésuites ont été persécutés, etc. Peut-être que j'ai accroché une secte qui n'était pas si déméritante que je l'ai dit, peut-être... mais la preuve est à faire, elle se fera par l'histoire.

Zbinden: Disons le mot, vous avez été antisémite.

Céline: Exactement. Dans la mesure où je supposais que les Sémites nous poussaient dans la guerre. Sans ça je n'ai évidemment rien—je ne me trouve nulle part en conflict avec les Sémites; il n'y a pas de raison. Mais autant qu'ils constituaient une secte, comme les Templiers, ou les jansénistes, j'étais aussi formel que Louis XIV. Il avait des raisons pour révoquer l'édit de Nantes, et Louis XV pour chasser les Jésuites... Alors voilà, n'est-ce pas: je me suis pris pour Louis XV ou Louis XVI, c'est évidemment une erreur profonde. Alors que je n'avais qu'à rester ce que je suis et tout simplement me taire. Là j'ai péché par orgueil, je l'avoue, par vanité, par bêtise. Je n'avais qu'à me taire... Ce sont des problèmes qui me dépassaient beaucoup. Je suis né à l'époque où on parlait encore de l'affaire Dreyfus. Tout ça c'est une vraie bêtise dont je fais les frais. Et à ce moment-ci, remarquez, je suis accablé par toute espèce de gens qui me trouvent transfuge, relaps, vendu, etc.

Zbinden: Qu'est-ce que vous pensez de cet opprobre?

Céline: Ah, rien du tout. Je dis que j'aurai bientôt soixante-cinq ans, j'aurai la retraite des médecins, 200 000 francs par an, et que mon Dieu je resterai bien tranquille... je serai parvenu tout de même à passer à travers la plus grande chasse à courre qu'on ait organisée en Histoire... c'est déjà pas mal!... je ne renie rien du tout... je ne change pas d'opinion du tout... je mets simplement un petit doute, mais il faudrait qu'on me prouve que je me suis trompé, et pas moi que j'ai raison.
*

Extrait d'une lettre inédite, lue par Lucette Almanzor au cours d'une émission à la O.R.T.F., le 1er décembre 1965.
Je ne voulais pas être poussé dans ma vie à une nouvelle guerre, c'est tout. Je ne voulais aucun mal aux juifs. J'ai toujours trouvé toutes les mesures prises contre les juifs pendant l'Occupation—étoile etc...—grotesques. Je l'ai dit. Je n'ai jamais écrit une ligne ni fait un geste contre les juifs pendant l'Occupation. Je ne touche pas à un adversaire abattu. Je suis un duelliste, pas un assassin.




06 April 2014

Potjeslatijn

Dr. E.I. Kipping,
Neerlandicus en Potjeslatinist
(Kees van Kooten in Humo)



Lingua distingua

In angina temporis millennii secundi, nova mode florat... Personae qui habent pecuniam sine termine sunt ex orbi tanta. Annonu proverbium 'quod licet Iovi non licet bovi' non plus est valabula. Litterales omnes parvenui sunt capabilati ad investere et speculare cum giganta capitalia. Et duplicare possessiones resultat semper in iubilatio, infinito celebratio et devaluatio statusi mentalitatis. Et in degradatio qualitatis naturae!

Honestas est rara avis, simplicitas eclipsit, pompeus vulgaritas vincit. Alter ego et animus tranquillus non existent. Homo modernus  se directat totaliter ad satisfactionare voluptas quorum, in concreto, bona vita non dependat. Beatus ille? Non facite me ridere! Habes certe faeces in oculis? Quando sua auto est terravehiculum cum quattuor rotas, sua aura inspectare non est necessario...

Particulario modernus individudus solo interest consumptio os tenta tivo quod est demonstrandum con brio et sine dubio. Non est sine cure: nostra mode transformat et meta morfosat semper snellius. Quod est hippo et moderna in Aprilis, habet imago squara et antiqua in Iulius. Sed numerus variationes est limitata. Quod possibilitas restat pro esse ex clusiva quando totae villae habent audi, corsa aut fiat lux pro domo et feminae portant ibidem togae et puberi rotant dito disci?

Et viola: scribenti et presentatori qui volunt impressionere amicos, suam familiam et lectori cum fortae historiae et salto mortale verbale, sunt in flagranti presenti in media printa et diffusata. Verbas et lineas in linguam latinam reproducere est solo modo pro tipi moderni ad demonstrare bonos mores et se distinguare cum conscientia cultivata. In nostra longa historia neerlandica humoria habebamus 'visserslatijn' ('habebam captivata snoekam enormam ad fundum!') et 'relipotjeslatijn' ('nix aan de handa'—Reve); sed novi usurpatori sunt illiterati. Pseudo classici scribent in innumerabilis reportatis: 'media est' aut 'media habet'. Sed est verum ridicule! Medium est singularis et Media est pluralis! Ergo: media sunt est bono, aut: media habent! Sed Media est est insane!